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Quand Robespierre défend les privilèges
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En 2019, les Archives départementales du Pas-de-Calais ont fait l’acquisition des brouillons de trois requêtes rédigées par Maximilien de Robespierre, alors avocat au conseil d'Artois. Celles-ci concernent une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière, à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse.
Contexte de production des documents
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Maximilien de Robespierre. Portrait en pied [1801-1900]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 J 472/155.
Maximilien de Robespierre. Portrait en pied [1801-1900]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 J 472/155.
À la veille de la Révolution, Arras est une ville importante. Capitale de la province d’Artois, elle abrite une institution unique dans le royaume : le conseil provincial d’Artois. Cette juridiction a été érigée par Charles-Quint en 1530 ; remplacée en février 1771 par le conseil supérieur d’Arras, elle est rétablie par l’édit de novembre 1774. Mais elle sera définitivement supprimée par l’article 14 du décret des 6-7 septembre 1790. À la manière des parlements, le conseil d’Artois juge les affaires criminelles en dernier ressort, mais est soumis à l’appel au parlement de Paris pour les causes civiles les plus importantes. Aucun avocat n’est admis à plaider devant le conseil, sans préalablement y avoir été reçu. Il faut être gradué en droit canon ou civil et parfois subir un examen, après une enquête de vie et de mœurs. Les avocats du barreau d’Arras étaient généralement diplômés des universités de Douai ou de Louvain mais, au XVIIIe siècle, à l’instar de Robespierre, ils sont souvent issus de Paris, après avoir été boursiers au collège d’Arras.
En 1787, 87 avocats sont inscrits au barreau d’Arras ; ils sont 94 en 1788 ! L’activité du conseil d’Artois nous est en partie étrangère, en raison de l’incendie du 5 juillet 1915 qui a ravagé le fonds, entré en 1837 au palais Saint-Vaast : 700 des 797 articles qui le composaient ont ainsi disparu. Parmi ces derniers, on compte malheureusement les séries d’ordonnances et de jugements. Ainsi, ces quelques pièces entrées aux Archives départementales en 2019 tentent à leur manière de combler un peu cette mémoire volée par les flammes.
Dans cette affaire, Maximilien de Robespierre travaille en collaboration avec son confrère Charles-François-Joseph Blanquart, qui a prêté serment au conseil le 4 mai 1775 et est l’un des ténors du barreau artésien. Martin-Joseph Boilly est le procureur chargé de s’occuper de toute la procédure judiciaire. Au conseil d’Artois, le plaignant qui remet sa cause entre les mains d’un avocat, doit en effet aussi obligatoirement constituer procureur.
Robespierre est notamment devenu célèbre grâce à ses plaidoiries dans les affaires du paratonnerre du sieur de Vissery, l’opposant aux échevins de la ville de Saint-Omer, et Deteuf, qui le confronte à la puissante abbaye bénédictine d’Anchin. Toutefois, un avocat doit pouvoir vivre de son art. Entre 1782 et 1789, on dénombre sa participation à environ 176 audiences et 135 affaires plaidées. Ces requêtes permettent alors de dévoiler une partie méconnue de son activité, lui permettant de gagner 21 livres et 10 sous. Cette affaire n’est, effectivement, pas destinée à sortir de l’enceinte du conseil provincial.
Une simple affaire de droits de chasse
Rappelons maintenant l’affaire qui oppose le comte Léon Eugène Louis de Maulde, marquis de la Buissière, défendu par Blanquart et Robespierre, à Jean-Baptiste Joseph Watelier. Détenteur du fief d’Haillicourt, hérité de sa mère, Watelier est accusé par le comte de venir chasser à plusieurs reprises, avec chien et fusil, sur ses terres de la Buissièrecomme s’il étoit le maître absolu
.
Dans les trois requêtes successives, produites entre octobre 1787 et février de l’année suivante, Robespierre expose les faits et développe ses arguments pour défendre les privilèges de son client avec les seuls mots d’un juriste scrupuleux, sans saillie particulière. On ne retrouve aucune vivacité dans ses attaques, ni dramatisation des enjeux, ni critique de la loi, comme il a pu le faire dans ses plaidoiries les plus connues. Il s’agit là d’un document écrit, qui n’est pas destiné à être lu devant un auditoire qu’il faut séduire. Ici, il s’adresse simplement aux juges en s’appuyant sur les règlements et coutumes locales.
Robespierre demande ainsi à la cour de maintenir le comte de Maulde dans le droit de chasser seul dans l’étendue de sa terre et seigneurie de la Buissière
. Sous l’Ancien Régime, la chasse demeure un privilège seigneurial.
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Archives départementales du Pas-de-Calais, CPL A 17/2.
Archives départementales du Pas-de-Calais, CPL A 17/2.
Le 10 décembre 1787, Robespierre indique ainsi que le sieur Watelier prétend avoir eu le droit de chasser sur la terre de la Buissière, parce qu’il auroit une seigneurie vicomtière qui s’étendroit dans ce territoire
. Une seigneurie vicomtière, ou fief vicomtier, est une particularité locale : elle désigne, en Flandre et en Artois, un fief non noble ou bourgeois, mais ayant tout de même moyenne justice. Or, comme l’indique la coutume générale d’Artois, lorsqu’il y a plusieurs seigneurs, même fonciers, il faut les cantonner ; et en attendant, établir le parcours entr’eux
.
Robespierre précise également que, pour chasser, le domaine du seigneur principal doit excéder d’un tiers ceux des autres seigneurs locaux ; ce qu’il entend prouver par la remise d’une déclaration succincte des terres, authentifiée par le bailli et les échevins du marquisat. Jean-Baptiste Watelier s’efforce en sens inverse de démontrer que lui-même comme ses ancêtres ont jusqu’à présent profité du plaisir de la chasse sans que le seigneur de la Buissière ait fait à ce sujet aucune plainte
; puis – en transmettant le dénombrement de ses propres biens – que ce dernier ne possède pas autant de terres qu’annoncé, motivant la troisième intervention de Robespierre.
Dans cette requête du 9 février 1788, l’avocat veut décrédibiliser les allégations de l’adversaire : Est-ce là une preuve bien satisfaisante ! On ne le croit pas, quoiqu’il en soit
ou plus loin Au reste toute cette énumération que le s. Watelier a faite à sa manière des différentes seigneuries qu’il prétend exister dans ce lieu est plein d’inexactitude et de fictions ; il crée partout des mouvances ou des domaines à son gré
. Robespierre et son client renoncent à demander l’établissement de dénombrements seigneuriaux à la cour, procédure longue et couteuse : le comte de Maulde croit devoir épargner cette peine à lui-même et cette dépense à son adversaire ; parce que cette preuve est déjà faite. Elle existe dans les principes et dans les dispositions des loix qui veulent que tout ce qui n’est point prouvé appartenir à un autre que le seigneur principal soit présumé appartenir à ce dernier
.
Lors de l’audience du 7 mai 1788, et contrairement à ses souhaits, le comte de Maulde se voit tenu de donner à communication l’ensemble de ses titres pour examen contradictoire. Ils sont déposés chez Me Jean-Baptiste Brasier, notaire à Arras, pour une quinzaine de jours en juillet. Quoiqu’il en soit, nos informations s’interrompent symboliquement au lendemain de l’abolition des privilèges par décision de l’Assemblée constituante du 4 août 1789 : le 5, en effet, Me Brasier restitue enfin au comte de Maulde ses papiers, restés jusque-là en sa possession à destination des défendeurs. Le comte décède le 24 juillet 1793 à bord du brick américain la Mary, en se rendant à Philadelphie pour tenter d’échapper au massacre perpétré au Cap-Français, à Saint-Domingue.
Ces présents documents ne rapportent qu’une affaire somme toute banale, mais c’est là que réside son intérêt. Elle diffère en effet des causes défendues dans les mémoires judiciaires imprimés de Robespierre. Le quotidien de l’avocat n’est-il pas aussi fait de défense ordinaire de causes ordinaires pour des clients qui ne le sont pas toujours ?
Honoraires payés à Maximilien de Robespierre, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 2614.
Transcription du document
M. le comte de Maulde c. Sr Watelier
Honoraires dus à Me De Robespierre, avocat
Honoraires de la requête du 25 8bre 1787 de 3 l : 3 lt. 0 s. 0 d.
Requête du 10 Xbre de 6°l : 6 lt. 0 s. 0 d.
Requête du 9 février 1788 de 6 l 1/2 : 6 lt. 10 s. 0 d.
Audience du 7 mai (avant faire droit) : 6 lt. 0 s. 0 d.
Ces honoraires sont payés : 21 lt. 10 s. 0 d.
Honoraires payés à Maximilien de Robespierre, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 2614.
Brouillons de requête rédigée par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 25 octobre 1787. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 2614.
Une expédition de la requête se trouve en 10 J 52, signée Boilly (fonds du marquisat de La Buissière).
Transcription du document
À nosseigneurs,
Supplie humblement messire…[note 1]
Le suppliant est seigneur de la terre et marquisat de la Buissière sur laquelle il a haute, moienne et basse justice. À ce titre, il a seul le droit de chasse dans toute l’étendue de cette terre. Cependant, au mépris de ce droit cimenté par une possession immémoriale, le sieur Jean-Baptiste [note 2] Watelier s’avise depuis quelque tems de faire des incursions continueles [raturé : sur le] dans tout le territoire de la seigneurie du suppliant et de le [note 3] parcourir en chassant, même avec compagnie [note 4], comme s’il en étoit le maître absolu. On l’a vu encore se permettre une semblable entreprise notamment le 14 de ce mois où [raturé : il] le garde du suppliant l’a trouvé chassant avec chien et fusil dans [raturé : l’] un [raturé : des bois de la terre de la Buissière] bois [raturé : non] dit [raturé : du Chaffo] du Chauffour [note 5] [raturé : appartenant à] qui fait partie de la terre de la Buissière ; ce garde a dressé un procès-verbal de cette contravention et l’a affirmé véritable le même jour [note 6] 14 8bre. Cet acte constate d’une manière sans réplique les entreprises du s. Watelier et l’ordre public autant que les droits du suppliant exige qu’on les réprime.
Partant [note 7] il a recours à votre authorité.
Nosseigneurs,
Afin qu’il plaise à la cour [note 8], lecture faite du procès-verbal du [note 9] 14 de ce mois [note 10], maintenir et garder le suppliant dans le droit et possession de chasser seul dans l’étendue de sa terre et seigneurie de la Buissière ; faire défenses audit sieur Jean-Baptiste Watelier de l’y troubler, le condamner à la réparation du trouble par lui commis, aux amendes portées par les ordonnances, coutumes [note 11] et règlemens, et aux dommages et intérêts résultans de ses entreprises à liquider conformément à l’ordonnance, et aux dépens et, attendu le privilège de la matière, ordonner que votre jugement [...]
Notes
[note 1] Sur l’expédition : messire Léon Eugène Louis comte de Maulde, seigneur de la terre et marquisat de la Buissière, etc., [raturé : ancien] brigadier des armées du Roy, demeurant en son château à la Buissière.
[note 2]Ajout interlinéaire : J. B.
[note 3]Correction sur : la. L’expédition donne "la".
[note 4]Ajout interlinéaire : même avec compagnie.
[note 5] Le Chauffour, lieu-dit de l’ancienne commune de la Buissière fusionnée avec Bruay-en-Artois en 1987. Le bois du Chauffour se situait à l’emplacement de l’actuel "parc de la Porte Nord" à proximité de la commune d’Hesdigneul-lès-Béthune. La précision "dit du Chauffour" n’apparaît pas dans l’expédition de la requête.
[note 6]Ajout interlinéaire : jour.
[note 7]Ajout sur l’expédition : attendu qu’il s’agit d’action réelle, de l’exécution d’ordonnances royaux et de règlement de la cour, il a recours à votre autorité.
[note 8]Correction et ajout sur l’expédition : À ce qu’il vous plaise ce que dessus, considéré et.
[note 9]Ajout sur l’expédition : dudit jour.
[note 10]Ajout marginal : lecture faite du procès-verbal du 14 de ce mois [rayé : ci-joint à la présente].
[note 11] Cf Adrien Maillart, Coutumes générales d’Artois, Paris, Jean Rouy, 1739, p. 224.
Brouillons de requête rédigée par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 25 octobre 1787. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 2614.
Transcription du document
[...] à intervenir sera exécuté [raturé : nonob.] par provision, nonobstant opposition où appellation quelconque et sans y préjudicier et pour le voir ainsi prononcer permettre au suppliant de faire assigner par-devant vous ledit sieur Jean-Baptiste Watelier, demeurant à Douay, actuellement à Hesdigneul [note 1], à tel jour qu’il vous plaira indiquer. Sans préjudice à tous les droits, noms, raisons et actions du suppliant dans lesquels il se réserve entier et sauf à prendre par lui dans la suite telles autres et plus amples conclusions qu’il trouvera convenir contre qui et ainsi qu’il appartiendra.
Conseil
Résidu
Pour
M. le comte de Maulde
Contre Le sr Watelier
Blanquart, avocat Boilly, procureur
Notes
[note 1]Ajout interlinéaire : demeurant à Douay, actuellement à Hesdigneul.
Brouillons de requête rédigée par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 10 décembre 1787. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 2614.
Une expédition de la requête se trouve en 10 J 52, signée Boilly.
Transcription du document
À nosseigneurs [note 1],
Supplie très humblement Mre n. comte de Mauldes, etc.[note 2]
contre le s. Jean-Baptiste Watelier demeurant en la ville de Douai
Le s. Watelier multiplie en vain les prétextes, pour échapper à la juste demande que le suppliant a formée à sa charge.
Il prétend avoir eu le droit de chasser sur la terre de la Buissière ; parce qu’il [raturé : p.] auroit une seigneurie vicomtière qui s’étendroit dans ce territoire. On peut observer d’abord que ce fait n’est rien moins que [note 3] certain et que rien ne justifie [raturé : encore] l’existence de cette prétendue seigneurie vicomtière.
Mais quand bien même le s. Watelier auroit établi ce fait, sa condition n’en seroit pas plus avantageuse ; en effet, il doit connoitre les règlemens qui défendent à ceux qui ont des seigneuries particulières dans l’étendue d’un territoire, de chasser toutes les fois que [raturé : les r.] celle du seigneur principal [raturé : excède d’un tiers], tant en [raturé : mo.] domaine qu’en mouvance [raturé : ce qui], excède d’un tiers [raturé : les sei.] tout [raturé : toutes] ce qui dépend de [note 4] ces seigneuries réunies, jusqu’à ce qu’il ait été procédé au cantonnement. Or le suppliant est incontestablement ce seigneur principal ; et il n’y a point eu de cantonnement [raturé : entre] à la Buissière. Donc le s. Watelier a commis une contravention, en se permettant de chasser sur cette terre, dans l’hypothèse même où il y posséderoit réellement une seigneurie vicomtière.
Ce raisonnement paroit sans réplique ; à moins que le s. Watelier, ne s’avise de nier [raturé : contester] que les domaines et mouvances du suppliant excèdent d’un tiers ceux des autres prétendus seigneurs. Mais on [...]
Notes
[note 1]Sur l’expédition : Nosseigneurs les présidens et gens tenans le conseil provincial d’Artois.
[note 2] Sur l’expédition : Messire Léon Eugène Louis comte de Maulde, seigneur de la Buissière, brigadier des armées du Roy, demeurant en son château à la Buissière.
[note 3]Ajout interlinéaire : que.
[note 4] Ajout interlinéaire : ce qui dépend de.
Brouillons de requête rédigée par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 10 décembre 1787. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 2614.
Transcription de document
[...] a d’autant plus de peine à se persuader qu’il veuille prendre ce parti [raturé : qu’il est notoire per.], qu’il est notoire que la seigneurie du suppliant s’étend non seulement sur les deux tiers, mais sur la presque totalité du territoire de la Buissière. On a lieu du moins de croire qu’il n’aura plus d’objection à faire, après les moiens que le suppliant va prendre pour prévenir tous ses doutes.
Il fera signifier au s. Watelier un acte signé des gens de loix de la Buissière, qui constate que [raturé : ce territo] d’après le relevé des cahiers de centièmes [note 1], ce territoire contient environ 1 700 mesures. Or la présomption de la loi est que la mouvance ou le domaine du [note 2] seigneur principal d’une terre s’étend sur tout ce qui [raturé : se trou] est renfermé dans le territoire, jusqu’à la preuve contraire ; et comme le suppliant est le seigneur principal de la Buissière, le seigneur du clocher, il s’ensuit que toutes les [raturé : tout ce qui n’est pas prouvé appartenir à un] parties du territoire de la Buissière qui ne sont pas prouvées [raturé : relever] relever d’un autre seigneur, sont nécessairement censées relever de lui ; donc si quelqu’un prétend que des 1 700 mesures qui le composent, il y en a [raturé : plus d’] un tiers ou plus qui ne relève pas du suppliant, c’est à lui à le prouver [raturé : puisqu’il a une présompt], sinon la présomption de la loi prouve le contraire.
Cependant le suppliant [raturé : se prêtera volontiers à lever tous les doutes de], pour la satisfaction du sieur Watelier, croit devoir lui prouver que la rigueur des principes qui [raturé : qu’on] s’élèvent contre lui, ne doit lui causer aucuns regrets et qu’en effet la présomption légale est ici la vérité même.
C’est dans cette vue qu’il lui fera [note 3] encore signifier un extrait de son terrier, par lequel le s. Watelier verra en détail le nombre des terres qui relèvent [note 4] du [raturé : de la sei.] suppliant ou qui lui appartiennent [note 5] ; il s’appercevra qu’elles montent en totalité à quatorze cent trente et quelques mesures [raturé : 1430] [note 6] sans y comprendre même [raturé : les domaines du // plusieurs possessions // objets considérables qui lui y appartiennent // domaines considérables du seigneur de la Buissière // seigneuries à] // [raturé : biens considérables // objets, seigneuries foncières qui lui appartiennent] plusieurs biens considérables qui lui appartiennent [note 7], et que par conséquent ces seuls objets portent [note 8] déjà [rature et correction : l’étendue des terres mouvantes] ce qui est mouvant de lui [raturé : au-delà] beaucoup au-delà des deux tiers du territoire, ne permet [note 9] pas même aucune comparaison entre l’étendue de sa seigneurie et celle des autres seigneuries particulières que l’on pourroit [raturé : imaginer dedans] y supposer.
[raturé : Il] Le s. Watelier pourra remarquer encore, que le [correction et rature : les papiers] terrier que l’on déposera en orignal, s’il le désire, à sa première réquisition, indique à l’appui de chacun des corps de terres [raturé : qu’il] dont il fait mention une foule de dénombremens, qu’on [raturé : lui] auroit pu lui [note 10] faire [correction et rature : fait] signifier, si l’on [raturé : avoit pu croire] n’avoit dû croire [note 11] que les frais immenses auxquels cette procédure auroient donné lieu [raturé : pût lui être agréable] ne pouvoient pas lui être infiniment agréable.
Quoiqu’il en soit, l’espèce de justification qu’on lui présente en ce moment lui paroitra sans doute satisfaisante ; et l’on ne croit pas qu’il soit de son intérêt d’en provoquer [raturé : exiger] une plus dispendieuse, ni [raturé : même de tenter] à plus forte raison de tenter lui-même [raturé : de faire la] d’entreprendre la preuve contraire [raturé : que la loi, les présomptions, les principes lui imposent] dont les principes lui imposeroient la charge.
Dans ces circonstances.
Afin qu’il plaise à la cour lui donner acte… en plaidant sans avoir égard aux exceptions dudit s. Watelier [note 12], lui adjuger les conclusions qu’il a ci-devant prises sans préjudice [note 13].
Notes
[note 1] Centième de la Buissière (1778-1779), AD Pas-de-Calais, 2 C 1779/387.
[note 2]Ajout interlinéaire : mouvance ou le domaine du.
[note 3] Correction sur l’expédition : sera.
[note 4]Ajout interlinéaire rayé : de.
[note 5]Ajout interlinéaire : ou qui lui appartiennent.
[note 6]Ajout marginal : quatorze cent trente et quelques mesures.
[note 7]Ajout marginal : plusieurs biens considérables qui lui appartiennent.
[note 8]Correction sur : porté. Sur l’expédition, de même, porté corrigé en portent.
[note 9] Sur l’expédition, correction de permet en permettent.
[note 10] Ajout interlinéaire : pu lui.
[note 11] Ajout marginal : n’avoit dû croire.
[note 12]Ajout marginal : lui donner acte… en plaidant sans avoir égard aux exceptions dudit s. Watelier.
[note 13] Sur l’expédition : "Dans ces circonstances, Nosseigneurs, il vous plaise donner acte au suppliant de ce que pour réponse à la requête signifiée de la part du sieur Watelier le dix novembre mil sept cent quatre-vingt-sept, il employe le contenu en la présente, ce faisant, en plaidant, sans avoir égard aux exceptions dudit sieur Watelier dans lesquels il sera déclaré non recevable, adjuger au suppliant les conclusions qu’il a prises par sa requête introductive d’instance du vingt-sept octobre dernier avec dépens, sans préjudice à tous autres droits quelconques et à plus amples conclusions s’il y échet. Quoy faisant, etc."
Brouillons de requête rédigée par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 9 février 1788. Archives départementales du Pas-de-Calais 1 J 2614.
Transcription du document
À nosseigneurs [raturé : Réponse pour le comte de Maulde à la requête signifiée de la part du s. Watelier le 15 janvier dernier].
Supplie très humblement n. comte de Maulde
contre n. Watelier
Le s. Watelier s’est efforcé de prouver deux choses dans sa dernière requête.
La 1ère : c’est qu’il possède des seigneuries vicomtières dans le territoire de la Buissière.
La seconde, c’est que le comte de Mauldes ne possède point [raturé : en fait] tant en domaines qu’en mouvance, les deux tiers de ce même territoire.
Et il n’a prouvé ni l’une ni l’autre de ces deux allégations.
Si l’on jette un coup d’œil sur les différens titres qu’il a fait signifier pour prouver [raturé : ses seigneuries] ses seigneuries vicomtières ; on voit que la plupart ne sont relatifs qu’à des fiefs auxquels la justice vicomtière n’appartient pas, comme l’annoncent [raturé : il résulte de] ces titres mêmes, il n’y en a qu’un seul qui ait quelque rapport avec sa prétention ; c’est un dénombrement servi par lui, d’où il résulteroit qu’il auroit dans le territoire de la Buissière quelques mouvances à cause d’un fief en l'air [note 1] que l’on [raturé : suppose] qualifie de vicomtier et [raturé : que l’on suppose exister dans une autre] dont le chef-lieu est supposé exister dans une autre terre. Est-ce là une preuve bien satisfaisante ! On ne le croit pas, quoiqu’il en soit ; ce ne sera point là le véritable objet de la contestation.
Mais en supposant que le s. Watelier [raturé : ait eu] possédât quelque part un fief qui [raturé : ait] par extension ait [raturé : contenu] quelques mouvances dans le territoire de la Buissière ; cette circonstance [raturé : l’a] lui donnoit-elle la faculté de chasser à loisir dans l’étendue de cette terre ? Non [raturé : sans doute, s’il est vrai, que les règlemens interdisent cette faculté au seigneur même vicomtier qui possède], [...]
Notes
[note 1]Souligné.
Brouillons de requête rédigée par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 9 février 1788. Archives départementales du Pas-de-Calais 1 J 2614.
Transcription du document
[...] sans doute, le s. Watelier connoit lui-même la disposition des règlemens qui ordonnent à tous seigneurs quels qu’ils soient de s’abstenir de la chasse dans les territoires où le seigneur principal a des domaines ou mouvances qui excèdent d’un tiers ceux des autres seigneurs ensemble jusqu’à ce qu’il ait été procédé à un cantonnement et il ne peut ignorer qu’il ne soit dans le cas de ce règlement, puisque le comte de Mauldes possède à la Buissière une quantité de domaines et mouvances beaucoup plus considérable que celle que le [correction et rature : la loi] règlement exige.
Cependant il a voulu jetter des doutes sur ce fait. Mais [raturé : ses efforts, il l’a fait sans su] sans succès ; tout ce qu’il a dit à cet égard [raturé : n’a fait servir qu’à] est une suite d’erreurs, peut-être volontaires. Il suppose que pour comprendre dans ses domaines et mouvances [raturé : les deux tiers du territoi] la quantité dont [raturé : il a beso] le suppliant a besoin, on [raturé : il im.] [note 1] compte des objets situés hors du territoire de La Buissière : mais il se trompe ; et cette hypothèse est d’autant plus gratuite que le comte de Mauldes n’a pas même besoin de compter tout ce qui lui appartient ou relève de lui dans le [raturé : dont] territoire de La Buissière, pour trouver beaucoup au-delà des deux tiers [raturé : le // c’est ce qui est notoire à lui et].
Au reste toute cette énumération que le s. Watelier [raturé : de Wachaux] a faite à sa manière des différentes seigneuries qu’il prétend exister dans ce lieu est plein d’inexactitude et de fictions ; il crée partout des mouvances [raturé : ou] ou des domaines à son gré, ou étend arbitrairement celles qui peuvent exister : aussi [raturé : s’est-il rie // bien gardé // n’a t’il rien j] ne s’est-il point mis en peine de rien justifier. Il ne croit pas cependant que sa parole [raturé : suf] doive suffire, pour établir toutes les suppositions nécessaires à sa cause. On [note 2] se contentera de lui citer ici un exemple, pour lui faire voir quelle est la légèreté de ses assertions à cet égard [raturé : c’est ce qu’il dit p]. On veut parler de ce qu’il dit par rapport à l’article considérable des bois de la Buissière qu’il veut soustraire aux possessions que le suppliant a droit de compter ; qu’il jette un coup d’œil seulement // sur le dénombrement qui lui sera signifié avec cette requête ; il y verra [raturé : que] 500 mesures de bois [raturé : appartenant] qui [raturé : lui] appartiennent au comte de Mauldes en toute propriété [raturé : le fait qui fait // est la base des prétentions du suppliant reste donc d constant].
[raturé : Le comte de Maulde pourroit prouver par titres qu’il possède en effet la presque to // en détail et par titres qu’il possède].
Au reste le suppliant pourroit prouver en détail et par titres les différens objets qui lui appartiennent ou sont mouvans de lui ; s’il vouloit faire signifier une foule innombrable de dénombremens [raturé : qui n’auroient ne seroient], pour établir une vérité notoire et connue [raturé : de l’adversaire] du s. Watelier, c’est-à-dire que sa seigneurie embrasse la presque totalité du territoire de la Buissière : mais il croit devoir [raturé : s’] épargner cette peine à lui-même et cette dépense à son adversaire ; parce que cette preuve est déjà faite. Elle existe dans les principes et dans les dispositions des loix qui veulent que tout ce qui n’est point prouvé appartenir à un autre que le seigneur principal soit présumé appartenir à ce dernier.
Ce fait une fois établi, il ne reste plus à l’adversaire une seule objection. Car on ne peut sans doute donner le nom, ni à la prétention du s. Watelier, qui veut que quelques contraventions [raturé : de sa part fussent] qu’il dit avoir commises aient été pour lui des titres pour se jouer impunément des dispositions des règlemens ; ni à la demande afin de cantonnement qu’il veut identifier avec cette cause pour échapper à la condamnation des dépens et de l’amende qu’il regarde comme inévitables. Car il [raturé : sçait] ne peut ignorer que ce n’est [raturé : point ici le lieu et] ni le moment ni la manière de former une pareille demande.
Partant
Nosseigneurs
[raturé : Afin qu’il] Plaise à la cour maintenir et garder le suppliant dans le droit [raturé : et possession] de chasser seul dans l’étendue [raturé : du territoi] de sa terre et marquisat de la Buissière ; [raturé : ordonner] faire défenses au s. [raturé : de] Watelier de chasser dans ce territoire et, pour l’avoir fait, le condamner [raturé et mise au pluriel : à l’] aux amendes portées par les règlemens [...]
Notes
[note 1]Ajout interlinéaire : on.
[note 2] Ajout marginal de "On se contentera" à "en toute propriété".
Brouillons de requête rédigée par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 9 février 1788. Archives départementales du Pas-de-Calais 1 J 2614.
Transcription du document
[...] et aux dépens, sauf audit s. Watelier à se pourvoir en cantonnement, s’il s’y croit fondé ; ou contre qui et ainsi qu’il appartiendra sans préjudice.
Brouillons de trois requêtes rédigées par Maximilien de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois, concernant une affaire opposant le comte de Maulde, marquis de la Buissière à Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier, à propos d'un droit de chasse, 1787 (25 octobre, 10 décembre), 1788 (9 février). Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 2614.
Chartrier de Labuissière qui rassemble des papiers de la famille de Maulte, du XVe au début du XIXe siècle. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 J.
Pour aller plus loin
T. VERMEUELEN, "Trois requêtes de l'avocat Robespierre dans le procès du comte de Maulde (1787-1788)", Œuvres de Maximilien Robespierre. Tome XII, Paris, Société des études robespierristes, 2022, pp. 265-277, Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 8360 ;
H. LEUWERS, Robespierre, Paris, Fayard, 2014, Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 7553 ;
P. SUEUR, Le conseil provincial d'Artois (1640-1790). Une cour provinciale à la recherche de sa souveraineté, volumes 1 et 2, Arras, Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, 1978-1982, Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 2226/1-2 ;
A. MAILLART, Coutumes générales d’Artois, Paris, Jean Rouy, 1739, Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 253.
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