Archives - Pas-de-Calais le Département
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Le Pas-de-Calais sous les eaux à travers les archives

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Le document du mois est un poème sobrement intitulé "L’inondation", écrit à une date inconnue par le poète et parolier Frumence Duchemin. Ce dernier est surtout connu pour ses écrits politiques sous le Second Empire.

Dans ces strophes, publiées au bénéfice d’habitants inondés, le poète décrit avec emphase les destructions et traumatismes créés par la montée des eaux :

C’est l’eau ! c’est l’ennemi ! c’est l’eau que rien n’entrave, l’eau roulant dans ses plis, hommes, femmes, enfants ! Qui, dans son cours fatal, brisant comme une lave, nivelle sous son poids, nos asiles croulants […]

Des voix, des cris confus… c’est affreux ! […]

Lutte ardent ! Héroïque ! Actes humains sans nombre ! Tels que ces nautonniers à l’Océan brisés, on voit des citoyens, ramant dans la nuit sombre voler au moindre appel de martyrs épuisés [...]

Poème de Frumence Duchemin intitulé "L'inondation", publié au bénéfice des inondés, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 J 2648.

Poème de Frumence Duchemin intitulé "L'inondation", publié au bénéfice des inondés, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 J 2648.

Alors que certaines régions de France, et tout particulièrement le Pas-de-Calais, ont connu des crues sans précédent cet hiver 2023-2024, ces mots continuent de résonner avec justesse aujourd’hui.

Les crues et inondations à travers l’histoire

Le phénomène n’est pas nouveau. Le Nord-Pas-de-Calais compte en effet parmi les régions de France les plus vulnérables au risque d’inondations. En effet, plus des 2/3 des communes ont été déclarées au moins une fois en état de catastrophe naturelle depuis 1982. Mais c’est un fait établi par l’histoire : après des crues exceptionnelles, l’oubli est rapide et bien souvent l’amnésie s’installe. Alors l’histoire se répète, inlassablement…

Inondation à Aix-en-Issart ; au premier plan, enseigne de la poste. Photographie, [1950-1960]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 2786.

Cependant, la recherche dans les documents d’archives prouve la répétition de ces phénomènes, bien que le changement climatique tend à aggraver et multiplier ces épisodes de catastrophes naturelles.

Les crues et inondations dans les archives

Car les archives renferment la mémoire de toutes ces inondations, même s’il faut parfois emprunter quelques chemins tortueux pour s’orienter dans les fonds et repérer les sources diffuses. Celles-ci s’avèrent utiles et permettent d’établir des comparaisons à partir des renseignements trouvés dans les documents, notamment sur certaines cartes.

Mais alors, comment chercher dans les archives ?

La recherche dans les archives : les séries anciennes

Les sources les plus éparses (et les moins structurées) sont celles recensées dans les fonds de l’Ancien Régime et sont donc celles qui demandent le plus d’études. Car à cette époque, on ne s’intéresse pas aux crues et inondations pour elles-mêmes, mais principalement aux conséquences agricoles et économiques qu’elles engendrent.

Cependant, certaines séries permettent de retrouver trace de ces événements (bien que celles-ci s’avèrent particulièrement lacunaires dans le Pas-de-Calais suite à l’incendie de 1915) :

La série C : Administrations provinciales

Dans cette série, le chercheur étudiera plus particulièrement :

  • tout ce qui a trait à l’imposition (par exemple demandes d’exemption, procès-verbaux de dommages ou répartition des secours),
  • mais aussi les ponts et chaussées ainsi que les travaux publics,
  • la correspondance (notamment des intendants),
  • les affaires communales.

La série E : Féodalités

Dans cette série très hétéroclite (on y retrouve également l’état civil ou les notaires par exemple), on peut trouver des dossiers concernant les sinistres, l’agriculture, les travaux publics ou des délibérations. Mais, avertissons le chercheur, le dépouillement peut s’avérer fastidieux, bien que les outils informatiques et l’indexation permettent maintenant d’affiner la recherche par mots-clés. Dans le carrousel d’exemples présenté en fin d’article, on trouve notamment une décision rendue par les députés généraux et ordinaires des États d'Artois, pour prévenir les inondations dans la province, datée du 23 janvier 1781 et cotée 4 E 97/313.

À côté de ces séries clairement identifiées, n’oublions pas les affiches et placards qui peuvent être retrouvés en bibliothèque historique (série BH) ou en archives privées (série J), tout comme les cartes et plans (voir l’exemple dans le carrousel ci-dessous) qui se révèlent riches en éléments de comparaison avec la topographie actuelle.

La recherche dans les archives : les séries modernes et contemporaines

Après 1789, les documents sont plus riches, bien classés et clairement identifiés. En effet, à partir du XIXe siècle, les autorités se penchent plus précisément sur le phénomène des inondations et mettent progressivement en place des commissions ou services, ce qui permet une lecture historique plus précise.

La série M : Fonds de la préfecture

Service déconcentré de l’État, la préfecture produit de nombreux documents relatifs aux sinistres de sa circonscription. Des dossiers détaillés sont consultables dans la partie "Sinistres et calamités".

La série O : Administration et comptabilité communale

Cette série renferme des dossiers concernant les "sinistres et calamités". Il est intéressant de consulter également ceux relatifs à l’agriculture.

La série P : Finances, cadastre et postes

Dans cette série, la section "eaux et forêts" s’avère particulièrement riche en détails concernant ce genre de sinistre.

La série S : Travaux publics et transports

Le chercheur trouvera dans cette série les archives des services hydrauliques, avec parfois des rapports, plans voire même photographies.

La série W : versements postérieurs à 1940

Le cadre de classement de cette série complexifie la recherche : non thématique, il se présente par bordereaux de versement émanant de services producteurs. Des services comme l’ex DDE (Direction Départementale de l’Équipement) ou la DIREN (Direction Régionale de l'Environnement) renferment de précieuses données sur ces catastrophes naturelles. En règle générale, on gagne en précision avec le temps et les archives les plus récentes fourmillent de renseignements mesurables et de plus en plus scientifiques.

Enfin, la presse (notamment au XIXe et début du XXe siècle) et les collections iconographiques peuvent s’avérer intéressantes, au même titre que les archives communales (série E-DEPOT) dans lesquelles se trouvent les délibérations des conseils municipaux.

Pour conclure, reprenons cette citation d’Alain Droguet, directeur des archives départementales du Var, qui résume si bien le rôle essentiel des archives dans notre monde actuel :

La place centrale des archives dans la connaissance de ces catastrophes est l’occasion pour elles de démontrer leur utilité sociale dans un domaine qui mobilise fortement nos contemporains.

A. Droguet, "La mémoire des inondations dans le Var à la suite de celle du 15 juin 2010" dans Les sources d’archives pour l’étude du climat et de l’environnement, VIe colloque des archivistes de l’Arc alpin occidental, 5-6 juillet 2012, La Gazette des archives, n° 230, année 2013.

Et il est vrai qu’à l’heure actuelle, certaines collectivités en charge de plans communaux de sauvegarde (PCS) ou de programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) s’appuient sur la connaissance des événements historiques pour poser un diagnostic de la situation actuelle. La question qui se pose est : s’agit-il là d’entreprises à la marge ou réussirons-nous enfin à tirer les leçons du passé ?

Quelques exemples de documents provenant de différents fonds

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