Événement incontournable en cette fin d’année scolaire, le baccalauréat marque un tournant dans le déroulement de la scolarité de milliers d’élèves. Mais ce ne fut pas toujours le cas ! À l’origine destiné aux classes supérieures, il ne s’est réellement démocratisé qu’à la fin du XIXe siècle, sous une forme proche de celle que l’on connaît aujourd’hui. Pourtant, les archives départementales conservent des témoignages bien plus anciens, comme cette attestation datée du 9 juillet 1732, aux antipodes du second document présenté, un diplôme de juillet 1910.
Les premières traces du baccalauréat
Bien qu’ayant donné lieu à plusieurs interprétations divergentes (bacca laurea, "baie de laurier"), le mot "baccalauréat" paraît être issu du terme "bachelier" (baccalarius, jeune homme qui aspire à être chevalier), altéré sous l’influence de laureare (couronner de lauriers) – la forme bacchalariatus se rapportant en outre à un "grade inférieur dans le chœur des chanoines".
Les premières mentions apparaissent au XIIe siècle avec la création de l’université de Paris qui dispense des cours de théologie, médecine, droit et arts. Toutefois, on ne peut alors parler de diplôme qualifiant, le baccalauréat n’étant qu’un échelon vers l’obtention du doctorat. C’est pourquoi le premier document mis à l’honneur ce mois-ci n’est pas un diplôme officiel en tant que tel, mais peut davantage se définir comme une attestation de réussite sous forme de lettre testimoniale.
Louis-François Palisot de Warluzel baccalaureatus
Celle-ci a été établie à la demande de Louis-François Palisot, futur chevalier et seigneur de Warluzel, Divion et Aix-en-Gohelle. Né le 10 février 1713, il est le fils de Marie-Louise Vollant et d’Ambroise-Alexandre Palisot, conseiller du roi et premier président du conseil provincial d’Artois depuis le 19 mai 1718. Ce poste est d’ailleurs occupé par cette même famille depuis 1703.
C’est donc tout naturellement que Louis-François suit les traces de ses aïeux et s’oriente vers des études de droit. À l’université de Paris, il obtient son baccalauréat de droit, puis sa licence, en vue d’exercer le métier d’avocat. L’obligation de détenir une licence en droit civil ou canonique, délivrée par une faculté du royaume, avait été imposée par François Ier en 1537.
Fort de ses diplômes attestés par deux lettres testimoniales (toutes deux conservées en 1 J 2393), Louis-François prête serment au parlement de Paris le 3 août 1733. Dans l’attestation de baccalauréat, en plus de confirmer sa réussite à l’épreuve orale clôturant son année universitaire, le doyen répond également de la probité et de la vertu du jeune homme (laudabili vitâ et morum probitate commendatus), à l’époque qualités fondamentales et indissociables des mérites scolaires.
Après un premier poste de conseiller et suite à la démission de son père, Louis-François devient premier président au conseil provincial d’Artois le 18 avril 1746. Il occupe cette fonction jusqu’à sa mort le 16 octobre 1752.
Napoléon crée le premier diplôme en 1808
Si les premières bases de l’examen sont jetées dès l’Ancien Régime, la Révolution fait tout disparaître en fermant les portes des universités. Il faut attendre l’avènement de Napoléon pour que l’État s’intéresse à l’enseignement secondaire qui doit donner les connaissances premières nécessaires à ceux qui sont appelés à remplir des fonctions publiques, à exercer des fonctions libérales ou à vivre dans les classes éclairées de la société
, selon la définition du ministre de l’Intérieur Chaptal.
On assiste ainsi à une étatisation de l’éducation dans le but de produire des élites. La loi du 11 floréal an X crée les lycées, subventionnés par l’Empire. Cette première mesure est suivie du rétablissement des universités par décret du 17 mars 1808. Les anciennes facultés de théologie, droit et médecine sont restaurées, auxquelles s’ajoutent deux facultés nouvelles, les sciences et les lettres. Dans la pratique, les cinq disciplines ne sont pas d’égal niveau, puisque les quatre premières sont assujetties à l’obtention du baccalauréat ès lettres, ce qui confirme la prééminence des études humanistes sur les matières scientifiques.
Le titre III de la loi définit les grades des universités : baccalauréat, licence et doctorat, validés chacun par une épreuve.
La première promotion à passer le baccalauréat est celle de 1809, composée de 31 bacheliers essentiellement issus de la bourgeoisie.
Évolution du baccalauréat
Au fil des années et des régimes, le baccalauréat voit son rôle de concours d’entrée renforcé (1830, 1836). Des épreuves écrites apparaissent, d’abord facultatives (1830) puis obligatoires (une version latine en 1840). Les matières scientifiques sont peu à peu reconnues : en 1852, la symétrie devient effective entre le baccalauréat ès sciences et celui ès lettres. En 1874, l’examen est "scindé" en deux séries d’épreuves à passer à une année d’intervalle.
Le 19 juin 1880, on introduit de nouvelles épreuves écrites, dont une composition française au détriment du monopole du latin, "petite révolution culturelle" pour reprendre l’expression d’André Chervel. Enfin, le 8 août 1890, un décret unifie les différentes formes de l’examen en introduisant un tronc commun. Exit les disciplines ès sciences ou ès lettres, de même que les baccalauréats des écoles spécialisées créées en 1883. Le baccalauréat devient unique et prend alors la dénomination de "baccalauréat de l’enseignement secondaire".
Un diplôme de 1910
Le second document mis en lumière affiche clairement cette mention "de l’enseignement secondaire". Délivré le 6 juillet 1910 à Henri Mayeur, ce diplôme affirme que le candidat a subi avec succès les épreuves de la première partie (3e série : Latin-Sciences)
.
Car depuis 1902, pour la première partie, le candidat peut choisir les épreuves parmi quatre séries : latin-grec, latin-langues vivantes, latin-sciences et sciences-langues vivantes. Dans la seconde partie, il n’existe plus en revanche que deux séries : philosophie ou mathématiques.
Pour en savoir plus sur Henri Mayeur, voir l'article Henri Mayeur, historien et héros de guerre
Vers un baccalauréat moderne et ouvert à tous
Car malgré les réformes de modernisation, l’examen peine à trouver des postulants : en 1854, sur 107 000 élèves du secondaire, seuls 4 600 sont candidats au baccalauréat. De 7 000 candidats en 1890, on passe à 37 000 en 1926, notamment grâce à la généralisation de cet examen pour les filles au lycée.
La féminisation du diplôme a de fait mis du temps à entrer dans les mœurs. En 1861, ce n’est que grâce à l’intervention de l’impératrice que la Vosgienne Julie-Victoire Daubié a pu devenir la première femme bachelière, à l’âge de 37 ans.
Au fil des ans, le nombre de bacheliers augmente et les réformes continuent à modeler l’épreuve sous la IVe et la Ve République, jusqu’à atteindre sa forme actuelle. Aujourd’hui considéré comme une étape obligée à la poursuite de toutes études supérieures, le baccalauréat n’en demeure pas moins décrié et dénigré, accusé parfois de ne servir à rien. Il n’empêche que début juillet, les résultats de ses épreuves sont fébrilement attendus par des milliers de lycéens.