Le 9 août 1640, la ville d’Arras capitule devant les troupes de Louis XIII. L’événement fait alors sensation, car la cité est réputée imprenable. Cette reddition met fin à un siècle de domination espagnole sur l’Artois, bien que cette province ne soit officiellement annexée à la France que le 7 novembre 1659 (date de la signature du traité des Pyrénées mettant fin à la guerre de Trente ans), hormis les châtellenies d’Aire-sur-la-Lys et de Saint-Omer redevenues françaises aux termes du traité de Nimègue en 1678.
Une province convoitée car stratégique
Au XVIe siècle, Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, hérite de l’Artois qui intègre les Pays-Bas espagnols. François Ier, alors jeune monarque, se rapproche de Henri VIII, jusque là son rival historique, afin d’envisager une coalition contre l’empereur tout puissant. Leur première rencontre se déroule en juin 1520 au Camp du drap d’or. Un an plus tard, il tente une incursion sur ce territoire et envahit tout le pays entre Arras et Doullens. Mais le traité de Madrid en 1526 assoit la suzeraineté de l’Empire et François Ier y renonce, temporairement du moins.
De ses origines jusqu’au XXe siècle, l’Artois a toujours été le théâtre de guerres sanglantes. Sa position stratégique y est pour beaucoup : au carrefour de plusieurs nations européennes fortes, lieu de passage obligé, sa proximité avec Paris fragilise ou protège (selon son royaume d’appartenance) le centre névralgique de la monarchie française.
Pourtant, la province connaît une accalmie de 1598 à 1635, durant le règne des archiducs Albert et Isabelle. Véritable temps de paix, de prospérité et de reconstruction pour les Pays-Bas, cet "âge d’or" espagnol prend fin avec l’entrée de la France dans la guerre de Trente ans. Cette contrée représente un obstacle de taille à l’agrandissement des territoires français voulu par Richelieu ; Arras se trouve en première ligne contre les places de Picardie qui tiennent un rôle primordial dans la défense des Pays-Bas.
Sa chute en 1640 laisse planer une menace sur toutes les places de la barrière fortifiée espagnole constituée d’un vaste réseau de villes fortes datant du Moyen Âge.
Arras en état de siège : 1640 et 1654
Sûrs de leur défense et des puissants ouvrages avancés ajoutés par leurs ingénieurs, les Espagnols font graver par défi la maxime suivante sur la porte de Baudimont :
Quand les Français prendront Arras
Les rats mangeront les chats.
Et pourtant, la ville tombe, malgré la résistance des Artésiens. Richelieu dit à leur sujet qu’ils sont tous des ennemis jurés des Français et plus espagnols que des Castillans
. Car pour les Français, il ne s’agit plus de libérer d’anciennes provinces, mais véritablement de les conquérir, chose d’autant plus difficile que le sentiment religieux est encore plus fort que le sentiment national : l’Artois et la Flandre, profondément catholiques, sont fières d’être sujets du Roi Très Catholique. De plus, elles craignent la tolérance religieuse des Français et l’administration centralisatrice du pouvoir.
En entrant dans la ville, les Français victorieux s’empressent de retoucher la formule en enlevant simplement le "p" de "prendront", ce qui donne :
Quand les Français rendront Arras
Les rats mangeront les chats.
L’anecdote donne lieu à une série de gravures (visibles dans le diaporama Gravures relatives à la prise d'Arras en 1640), comme en témoigne le document présenté ci-dessus.
Les Français ne se reposent pas pour autant sur leurs lauriers et l’ingénieur italien De Valle renforce rapidement les fortifications. Les travaux ne sont pas encore terminés quand les Espagnols entreprennent un assaut en juillet 1654. Sous le commandement du prince de Condé (passé à l’ennemi durant la Fronde), 30 000 hommes attaquent la cité, uniquement contenus par une garnison de 2 000 hommes.
Mais l’avancée des travaux offre une solide résistance jusqu’à l’arrivée de Turenne, venu en renfort avec 15 000 hommes. Il parvient à repousser l’ennemi sur Douai dans la nuit du 24 au 25 août.