Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre
En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.
Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.
Un exemple de contrat d’arrentement
Le document présenté ci-dessous est conservé dans le fonds des chartreux du Val-Saint-Esprit de Gosnay, sous la cote 29 H 14. Il s’agit du contrat d’arrentement d’un pré situé à "Newe" (aujourd’hui Nœux-les-Mines), accordé par les chartreux au profit d’un certain Colart Lebailly (document original sur papier, daté du 18 juin 1483 et signé).
L’arrentement était un contrat par lequel une personne donnait à une autre la propriété de quelque immeuble, à condition d’en recevoir annuellement et perpétuellement une prestation soit en nature, soit en argent
(E. Lecesne, Exposé de la législation coutumière de l’Artois, Arras, 1869, p. 77).
49_arrentement
Contrat d'arrentement d'un pré, daté du 18 juin 1483. Archives départementales du Pas-de-Calais, 29 H 14.
Contrat d'arrentement d'un pré, daté du 18 juin 1483. Archives départementales du Pas-de-Calais, 29 H 14.
Cette forme de concession d’un bien foncier était très courante au Moyen Âge et a perduré jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, avant de disparaître totalement sous la Révolution (loi des 18-29 décembre 1790).
C’était une forme intermédiaire entre la location et la vente. Le bénéficiaire d’un arrentement devait en effet payer une rente annuelle (comparable à un loyer mais fixée une fois pour toutes), mais il pouvait disposer du bien comme un propriétaire (et même le transmettre à ses héritiers) aussi longtemps que la rente était payée. Dans le cas contraire, le bien retournait entre les mains du propriétaire primitif, qui pouvait à nouveau l’arrenter au profit d’une autre personne.
C’est précisément ce qui s’est produit ici, puisqu’il est question d’un certain Colart Deligny auquel le pré avait été arrenté précédemment pour une rente du même montant, à savoir 24 sous parisis (pour une superficie de cinq quartiers, soit environ la moitié d’un hectare).
Le nouveau preneur, Colart Lebailly, ne paiera que 21 sous pendant les trois premières années, en raison des travaux de remise en état qui lui incombent : il devra "fosseler" (c’est-à-dire creuser des fossés) tout autour du pré et planter des "hallots" (saules têtards) à la "circuite" (c’est-à-dire à la périphérie).
Il devra par ailleurs payer les "droits seigneuriaux" ("dixième denier", soit un dixième de la valeur du bien) au profit des chartreux, qui sont eux-mêmes les seigneurs du bien arrenté, comme le montre la mention "mouvant de notre dit fief".
Le texte est écrit en français, mais on notera que les formes picardes, qui se raréfient au cours du XVe siècle, n’ont pas totalement disparu : on trouve "anchienne" pour "ancienne".
On notera également que les deux personnages cités portent le même prénom : Colart, forme diminutive de Nicolas.
Transcription du document
Sacent tous que nous, prieur et couvent de l’église du Val Saint Esprit lez
Gosnay, de l’ordre chartreuze, pour le pourfit de nous et de notre
église, avons ballyé à rente hiretable annuelle et perpétuelle à Colart
le Bailly, demourant à Newe, le prey à notre église appartenant, que soloit tenir
Colart de Ligny, ainsy que il se comprend, lez quatre corps et le moilon,
contenant environ V quartiers de hiretage, icely prey assis
ou teroir de la dite ville de Newe et mouvant de notre dit fief
qui à notre église appartient en la dite ville, soulz les condicions
qui s’enssuivent. C’est asçavoir que le dit Colart, pour lez trois premières
années enssuivans le date de cestez, ne paira de rente à notre dite église
que XXI solz courans, endedens lesquellez trois annéez le doibt avoir
fosselé tout au tour et avoir mis plantez de hallot tout à le
circuite dudit hiretage, et lesdits trois années passéez paira le dit
Colart, et de luy ayans cause, le rente anchienne qui monte à
XXIIII solz parisis. Et escherra le première année de paiier l’an IIIIXX et
trois au terme Saint Rémi, et ainsy en continuant. Et sera tenus le dit
Colart, lui et ceulx qui occuperont ledit hiretage, de relever et
paiier drois seignouraulx à vente et à relief as us et coustumez
que il appartient à notre dit fief, qui est du Xe denier, et ainsy que
font noz aultrez rentiers et ceulx qui en sont tenans. En tesmoing
de tout ce que dit est, nous, prieur et procureur de la dite église, avons signé
de noz signez manuelz cest présent arentissement et en registré ès
registrez de l’église. Tout ce fu fait et passé l’an de grâce mil CCCC
quatre vings et trois, le XVIIIe jour du mois de juing, présens [blanc] dit le Boef.
Delepouve
Archives départementales du Pas-de-Calais, 29 H 14.
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Série H
Archives des institutions religieuses régulières d'Ancien Régime dont les titres ont été saisis à la Révolution
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Commentaires (2)
Archives départementales du Pas-de-Calais
Bonjour,
En Artois, il existait autrefois (Moyen-Âge et Ancien Régime) trois types de rentes. D’abord les "rentes foncières", cette expression désignant en Artois ce que les historiens appellent le "cens", c’est-à-dire la redevance annuelle perçue au profit du seigneur sur les terres de sa seigneurie qui ont le statut de "censives" (les terres qui ne sont pas des fiefs) ; cette rente n’est pas rachetable car elle est récognitive : elle symbolise en quelque sorte le droit de juridiction du seigneur sur la terre. Ensuite, les rentes "héritières", dont l’existence résulte d’un contrat de constitution de rente conclu entre deux personnes (physiques ou morales) : il s’agit en réalité d’une forme de prêt à intérêt avec hypothèque sur un bien foncier ; la rente correspond à l’intérêt et disparaît donc quand le capital est remboursé (rente rachetable). Enfin, la rente dite "surcensière", dont l’existence résulte d’un contrat d’arrentement passé entre deux personnes (physiques ou morales), comme c’est le cas dans notre document ; cette rente n’est pas rachetable car elle ne correspond pas à un prêt d’argent mais à une forme de concession du bien foncier ; elle est perpétuelle, comme la "rente foncière", et grève le bien foncier d’une manière définitive. À noter que, dans les trois cas, la rente est fixée une fois pour toutes : sa valeur réelle a donc tendance à diminuer en raison de l’inflation quand elle est libellée en argent.
Le relief est la redevance perçue par le seigneur quand un bien foncier change de propriétaire à l’occasion d’un décès, c’est-à-dire sous la forme d’un héritage. Le relief s’applique sur toutes les terres (fiefs et censives). Il est en général assez faible (une année de revenu par exemple), plus faible en tout cas que les droits de mutation perçus par le seigneur à l’occasion d’une vente.
Le 20 janvier 2014 à 13h54
MORTREUX Alain
Quelles sont les différentes sortes de rente au Moyen-Âge et sous l'Ancien Régime. J'ai lu qu'il existait des rentes héritières. Y avait-il d'autres formes? D'autre part, j'ai lu un acte féodal dans lesquel il est question de droit de relief. qu'en est-il?
Merci
Archives départementales du Pas-de-Calais
Bonjour,
En Artois, il existait autrefois (Moyen-Âge et Ancien Régime) trois types de rentes. D’abord les "rentes foncières", cette expression désignant en Artois ce que les historiens appellent le "cens", c’est-à-dire la redevance annuelle perçue au profit du seigneur sur les terres de sa seigneurie qui ont le statut de "censives" (les terres qui ne sont pas des fiefs) ; cette rente n’est pas rachetable car elle est récognitive : elle symbolise en quelque sorte le droit de juridiction du seigneur sur la terre. Ensuite, les rentes "héritières", dont l’existence résulte d’un contrat de constitution de rente conclu entre deux personnes (physiques ou morales) : il s’agit en réalité d’une forme de prêt à intérêt avec hypothèque sur un bien foncier ; la rente correspond à l’intérêt et disparaît donc quand le capital est remboursé (rente rachetable). Enfin, la rente dite "surcensière", dont l’existence résulte d’un contrat d’arrentement passé entre deux personnes (physiques ou morales), comme c’est le cas dans notre document ; cette rente n’est pas rachetable car elle ne correspond pas à un prêt d’argent mais à une forme de concession du bien foncier ; elle est perpétuelle, comme la "rente foncière", et grève le bien foncier d’une manière définitive. À noter que, dans les trois cas, la rente est fixée une fois pour toutes : sa valeur réelle a donc tendance à diminuer en raison de l’inflation quand elle est libellée en argent.
Le relief est la redevance perçue par le seigneur quand un bien foncier change de propriétaire à l’occasion d’un décès, c’est-à-dire sous la forme d’un héritage. Le relief s’applique sur toutes les terres (fiefs et censives). Il est en général assez faible (une année de revenu par exemple), plus faible en tout cas que les droits de mutation perçus par le seigneur à l’occasion d’une vente.
Le 20 janvier 2014 à 13h54
MORTREUX Alain
Quelles sont les différentes sortes de rente au Moyen-Âge et sous l'Ancien Régime. J'ai lu qu'il existait des rentes héritières. Y avait-il d'autres formes? D'autre part, j'ai lu un acte féodal dans lesquel il est question de droit de relief. qu'en est-il?
Merci
Le 06 décembre 2012 à 22h27