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Jugement du tribunal révolutionnaire établi à Arras

Qui condamne louis-auguste LAVIEFVILLE, isabelle-claire-eugénie-françoise LAVIEFVILLE, sa fille, femme d’Eugène Debéthune, émigré, ex-nobles demeurans à Steenworde, district d’Hazebrouck, département du Nord, et Margueritte Farinaux, lingère chez ledit Laviefville, convaincus, d’après la déclaration du Juré, d’être des auteurs ou complices de la conspiration ourdie contre le Peuple François et sa Liberté, des ennemis résistans au gouvernement révolutionnaire et républicain, ayant, par les soins qu’ils ont pris d’enseigner un Perroquet à proférer les mots odieux de Vive le Roi, Vive l’Empereur, Vivent nos Prêtres, et Vivent les Nobles, provoqué le rétablissement de la royauté et de la tyrannie, ayant en outre Émigré, À LA PEINE DE MORT.

Et acquitte Caroline Pitre, garde d’enfans chez ladite Laviefville, femme Béthune Émigré, de l’accusation portée contr’elle, et néanmoins ordonne que, conformément à la loi du 17 septembre 1793, (vieux stile) elle sera retenue en arrestation comme suspecte.

Au nom de la République Française, Une et Indivisible.

Le Tribunal Révolutionnaire établi à Arras a rendu le Jugement suivant :

Vu par le Tribunal Révolutionnaire établi à Arras, l’acte d’accusation dressé par le Substitut de l’Accusateur public, contre louis-auguste Laviefville, âgé de 71 ans, ci-devant noble, demeurant à Steenworde, District d’Hazebrouck, Département du Nord, izabelle-claire-eugénie-françoise Laviefville, âgée de 22 ans, ci-devant noble, demeurant audit Steenworde, margueritte Farinaux, âgée de 44 ans, lingère demeurant chez le nommé Laviefville, et caroline Pitre, âgée de 22 ans, garde-enfant, demeurant chez led. Laviefville, duquel acte la teneur suit.

Texte imprimé retranscrit ci-contre.

Placard du jugement du 4 floréal an II pronocé contre Louis-Auguste de La Viefville, Isabelle-Claire-Eugénie-Françoise de Béthune, Marguerite Farinaux et Caroline Pitre. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 L 103.

Le Substitut de l’Accusateur public près le Tribunal révolutionnaire établi à Arras, expose que le Représentant du Peuple Joseph Lebon a fait remettre au Tribunal révolutionnaire un procès-verbal, tenu par le citoyen Galan, commissaire nommé par le Représentant susnommé, à la charge desd. louis-auguste Laviefville, izabelle-claire-eugénie-françoise Laviefville, femme d’eugène Debéthune, émigré, caroline Pitre, garde-enfant chez le nommé Béthune, gendre du nommé Laviefville, et de margueritte Farinaux, lingère chez ledit Laviefville ; qu’aussi-tôt la remise dudit procès-verbal, il l’a examiné ; qu’il en résulte que les nommés louis-auguste et françoise Laviefville ont appris et conservé très soigneusement un perroquet, qui répétoit : vive l’empereur, vive le roi, vivent nos prêtres, et vivent les nobles ; et que les nommées caroline Pitre et margueritte Farinaux, qui, comme attachées à la maison dudit Laviefville, avoient connoissance que ce perroquet existoit, ne l’ont pas déclaré, ou plutôt tué.

En conséquence, ledit Substitut déclare accuser lesdits Laviefville, izabelle-claire-eugénie-françoise Laviefville, caroline Pitre et margueritte Farinaux, d’être des traitres à la patrie, des ennemis résistants au gouvernement républicain, et d’avoir cherché à provoquer le rétablissement de la royauté ; louis-auguste et françoise Laviefville, ayant instruit et conservé très soigneusement un perroquet, qui répétoit : vive l’empereur, vive le roi, vivent nos prêtres, et vivent les nobles ; et caroline Pitre et margueritte Farinaux, étant les complices desdits louis-auguste et françoise Laviefville, n’ayant pas déclaré que ce perroquet existoit dans la maison de ces derniers.

Tels sont les chefs d’accusation que ledit Substitut porte à la charge des susnommés, et desquels il requiert acte.

Fait à Arras le trois Floréal, an deux de la République Française, une et indivisible, signé Cambriere. La déclaration du Juré de jugement, faite à voix haute, et portant, à l’unanimité, que le fait est constant, « à l’égard de louis-auguste et françoise Laviefville, femme Béthune, et margueritte Farinaux, c’est-à-dire, que les trois susnommés sont convaincus d’être les auteurs ou complices de la conspiration ourdie contre le peuple français et sa liberté ; des ennemis résistans au gouvernement révolutionnaire et républicain, ayant, par les soins qu’ils ont pris d’enseigner un perroquet à proférer les mots odieux de vive le roi, vive l’empereur, vivent nos prêtres, et vivent les nobles, provoqué le rétablissement de la royauté et de la tyrannie, ayant en outre émigrés, comme il résulte de leurs aveux mutuels, au mois de juillet 1792, et cherché, par tous ces moyens, à armer les citoyens contre la souveraineté du peuple et l’exercice de l’autorité légitime, et à ébranler leur fidélité envers la nation française, et portant, à l’égard de caroline Pitre, que le fait n’est pas constant, c’est-à-dire, qu’elle n’est pas une traître à la patrie, ni la complice desdits Laviefville et sa fille, n’ayant point dénoncé aux autorités constituées qu’il existoit chez ces derniers, un perroquet auquel on avoit enseigné avec soin, et par un rafinement inouï d’aristocratie, un langage contre-révolutionnaire, et que par ce silence elle n’a pas concouru sciemment à provoquer le rétablissement de la royauté, ni à armer les citoyens contre la souveraineté du peuple et l’exercice d’une autorité légitime.

Le Tribunal révolutionnaire établi à Arras, après avoir entendu l’accusateur public, louis-auguste et izabelle-claire-eugénie Laviefville, sans défenseur, margueritte Farinaux et caroline Pitre, ainsi que le citoyen Hacot, leur défenseur officieux ; acquitte ladite caroline Pitre de l’accusation portée à sa charge ; et néanmoins ordonne que, conformément à la loi du 17 septembre 1793, (vieux style) elle sera retenue en arrestation comme suspecte ; condamne louis-auguste, izabelle-claire-eugénie Laviefville, femme Béthune, et margueritte Farinaux, à la peine de mort, conformément aux dispositions de l’art. 4 de la première sect. du tit. premier, et de l’art. 2 de la 2ième sect. dud. tit. premier de la 2ième part. du code pénal, lesquels articles ont été lus par le président, et sont ainsi conçus.

Art. 4 de la Ière sect. "Toute manœuvre, toute intelligence avec les ennemis de la France, tendant soit à faciliter leur entrée dans les dépendances de l’empire Français, soit à leur livrer des villes, forteresses, ports, vaisseaux, magasins ou arsenaux appartenant à la France, soit à leur fournir des secours en soldats, argent, vivres ou munitions, soit à favoriser d’une manière quelconque le progrès de leurs armes sur le territoire Français, ou contre nos forces de terre ou de mer, soit à ébranler la fidélité des officiers, soldats et des autres citoyens envers la nation Française, seront punis de mort".

Art. 2. "Toutes conspirations et complots tendant à troubler l’état par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, ou contre l’exercice de l’autorité légitime, seront punis de mort" ;

Ordonne que l’exécution aura lieu, dans les vingt-quatre heures, à la diligence de l’accusateur public, sur la Place de la Révolution ; déclare les biens desdits louis-auguste laviefville, françoise Laviefville, et margueritte Farinaux, confisqués au profit de la République ; ordonne que le présent Jugement sera imprimé en nombre suffisant d’exemplaires pour être envoyé et affiché dans toutes les parties de la République.

Ainsi fait et prononcé à Arras le quatre Floréal, an deux de la République Française, Une et Indivisible, en l’audience du Tribunal Révolutionnaire établi à Arras, où étoient présens STANISLAS-JOSEPH DAILLET, Président, LOUIS-AUGUSTE RICHARD, CYRIAQUE-JANVIER CARON, et FERDINAND-JOSEPH CARON, Juges dudit Tribunal, qui ont signé la minute du présent Jugement.

En foi de quoi la présente expédition a été signée par le Président dudit tribunal et par le greffier.

Signés DAILLET, Président, et LESERRE, Greffier.

Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 L 103.