Le document reproduit ci-dessous a été trouvé dans les archives communales déposées d’Hesdin. Il s’agit d’une sentence rendue le 2 décembre 1597 par les échevins de cette ville contre Jean Blin, geôlier des prisons, condamné à une amende de 12 livres pour avoir, par négligence, laissé évader trois prisonniers. Les autres pièces du dossier permettent de préciser les circonstances de cette évasion ; elles nous fournissent également quelques renseignements précieux sur l’organisation des prisons à cette époque.
Commis "cheppier" (geôlier) des prisons d’Hesdin le 13 février 1597 pour une durée de trois ans, Jean Blin, dans sa déposition, nous apprend qu’à cette date :
lesdictes prisons estoient pestifférées et n’y avoit aucunes personnes que y vaulsissent entrer, pour la doubte de l’infection, ce que faisant il s’est mis en grand dangier de sa personne et feit son entrée èsdictes prisons trois jours après la mort de deffunctz Jehan Delaforge et sa femme, aux jours de leurs trespas chepiers, décédés de la contagion.
Il était chargé d’entretenir les prisonniers à ses frais, sauf les prisonniers de guerre, et de les surveiller ; de plus, il devait payer à la ville un loyer annuel de 50 florins pour la maison qu’il occupait en raison de ses fonctions.
Les trois prisonniers se sont évadés dans la nuit du 19 au 20 octobre 1597 en forçant la serrure : l’un d’eux, Jean Fruleux, était serrurier et menuisier et sa femme lui avait fourni les outils nécessaires en les lui jetant par la fenêtre de la prison !
Il était donc facile de s’évader de prison à cette époque, d’autant plus que les relations entre le geôlier et les prisonniers étaient parfois curieusement amicales. C’est ce que montre le témoignage de Catherine Varlet, âgée de 30 ans, femme de Guillaume Devillers, déclarant que :
son mary averoit esté détenu [dans la prison d’Hesdin] l’espace de dix jours, auquel elle averoit tousjours tenu compaignie, tant de nuict que de jour, pendant lequel temps elle a veu que chacune nuict le sieur de Pronville, Fourdrinier et Lamirant, prisonniers de guerre, jouoyent aux cartes contre le feu dudict Belin jusques aux dix heures (…), et longtemps aprez icelle depposante sortit de la chambre dudict Blin pour s’en aller coucher avecq son mary en la gaiolle [forme picarde de geôle] estant en la court desdictes prisons
.
Le 24 novembre 1597, Jean Blin, sur le point d’être arrêté, se seroit mis en fuitte et ce faisant esté poursuivy jusques Le Parcq en la cave de la maison du curé
, mais finit par se rendre au procureur, et se retrouve à son tour en prison, où il restera jusqu’à ce qu’il ait payé l’amende et les frais de justice, comme l’indique la sentence prononcée contre lui.
Sentence rendue par la justice criminelle d'Hesdin contre Jean Blin le 2 décembre 1597
Sentence rendue par la justice criminelle d'Hesdin le 2 décembre 1597. Veu le procès criminel faict pour justice à la requeste du procureur du Roy allencontre de Jehan Blin, cheppier des prisons de ceste ville, prisonnier, icy présent, chargé, attainct et convaincu d’avoir usé de négligence en la garde des prisonniers à luy commis, de sorte que Jacques Cuvelier, Jehan Fruleux et Guillaume Macquet, prisonniers, chargez de communication avecq l’ennemy, et pardessus ce ledict Macquet de meurdre, seroit sortis et eschappez desdictes prisons sans avoir du depuis esté recouvrez, mesmes d’avoir faict faire effraction et ouverture en la muraille allendroict des huys du trou piat où estoient lesdictz prisonniers pour coulourer et excuser l’évasion, les informations sur ce tenues, interrogatoires, confessions, dénégations et variations dudict prisonnier, récollement et confrontation des tesmoings contre luy oys, avecq ce qu’il auroit voulu faire à sa justiffication, la conclusion dudict procureur, celle en droict et tout considéré, Messieurs maieur et eschevins, à la conjure, eu sur ce conseil et advis, ont pour lesdictz cas condampné et condampnent ledict prisonnier en chemise, teste nue, genoulx flexis, tenant une torche ardante en la main, de dire et déclarer qu’il luy desplaist d’avoir usé desdictes négligences et commis ladicte effraction, sy faire pour riens ne le feroit, en prier mercye à Dieu, au Roy et à Justice, et qu’on luy veuille pardonner, le condampnant oultre en amende douze livres au prouffit de sa Majesté, avecq ès frais et mises de justice et à tenir prisons jusques à plaine et enthière satisfaction, le déclairant incapable de d’oresenavant tenir ledict estat de cheppaige. Délibéré Arras le IIe jour de décembre 97.
[en marge] Jan Belin, cheppiez, 2 Xbre 1597.
[en apostille] Fauldra, auparavant prononcher ceste sentence, récoller et confronter tesmoings des charges dényées, et pour le regard du transport de la torche, en sera usé selon la coustume. Taxé pour rapport et conseil sept flourins quinze solz.
Archives départementales du Pas-de-Calais, E-dépôt 447/FF 193.